THÉMATIQUES DE RECHERCHE:

Je suis une biologiste de l’évolution qui étudie les parasites dans un contexte d’écologie évolutive. Je m’intéresse aux parasites comme force de sélection à la fois pour les hôtes et les parasites eux-mêmes. Mon travail recoupe les champs de recherche suivants :

Coévolution Hôte-Parasite, Interaction de Parasites Intra-Hôte, Sélection Parasitaire, Adaptation Écologique, Spéciation Écologique, Adaptation Locale





OUTILS DE RECHERCHE:

Mes recherches sont basées sur des études de terrain, des infections expérimentales et des expériences de sélections. J’ai surtout utilisé comme modèle d’étude l’épinoche à trois épines (Gasterosteus aculeatus) et son ver parasite spécifique le Schistocephalus solidus.

Techniques : identification des parasites, génétique moléculaire (PCR, génotypage, clonage, séquençage), expression de gène (qPCR), génétiques des populations.


CYCLE DE VIE DE SCHISTOCEPHALUS SOLIDUS
Les œufs Schistocephalus solidus sont dispersés dans l’eau douce dans les fientes d’oiseaux (hôte final) infectés avec des S. solidus matures. Les larves nageantes coracidium éclosent des œufs et sont mangées par des copépodes cyclopoïdes (1er hôte intermédiaire) dans lequel elles se développent en stade larvaire procercoïde. L’épinoche à trois épines (2nd hôte intermédiaire) est infectée en se nourrissant de copépodes infectés. Le stade larvaire plérocercoïde se développe dans la cavité abdominale du poisson et complète son cycle de vie lorsque celui-ci est mangé par l’hôte final, un oiseau. S. solidus est un hermaphrodite simultané et se reproduit sexuellement (en s’autofécondant ou en se croisant avec un congénère) dans le tube digestif de l’oiseau.
(crédits illustrations : Noémie Erin)
Dissection d’une épinoche à trois épines norvégienne naturellement infectée de neuf plérocercoïdes de Schistocephalus solidus. Le ciste blanc au niveau de l’anus du poisson est rempli de spores d’un autre parasite, le microsporidien Glugea anomala.
(crédits photos : Martin Kalbe)







PROJETS DE RECHERCHE:


Sélection par des parasites de souche spécifique & CMH



Pourquoi c’est intéressant : Les gènes du complexe majeur d’histocompatibilité (CMH) sont les gènes les plus polymorphiques chez les vertébrés et sont utilisés comme modèle pour comprendre le maintien du polymorphisme dans les populations naturelle. Les récepteurs CMH sont impliqués dans la reconnaissance des antigènes et l’activation de la réponse immunitaire adaptive durant l’infection, et par conséquent la sélection parasitaire est un facteur clés de la diversité génétique du CMH. Différentes espèces parasites sont capable de sélectionner différents allèles du CMH§, et ainsi de promouvoir le polymorphisme du CMH dans les populations naturelles exposées à des communautés de parasites complexes. Mais en théorie, l’interaction hôte-parasite avec une seule espèce de parasites, mais différent(e)s génotypes/souches, devrait suffire à assurer le maintien d’une partie du polymorphisme du CMH.

Ce que nous avons fait : Dans des mésocomes répliqués, nous avons sélectionné expérimentalement des populations d’épinoches à trois épines pour résister à deux souches différentes de S. solidus. Après reproduction naturelle, nous avons exposé la seconde génération d’hôtes aux deux souches de parasites pour mesurer la sélection de résistance spécifique.

Ce que nous avons trouvé : L’analyse est en cours… mais nous supposons que la fréquence des différents allèles du CMH présent dans les populations se modifiera en lien avec la sélection pour une résistance spécifique.

Co-auteurs:
Joshka Kaufmann, Christophe Eizaguirre, Martin Kalbe, Tobias L. Lenz

Publications associées :
Erin & Kaufmann et al. (in prep)
§Eizaguirre et al. 2012 Nature Communications doi:10.1038/ncomms1632

(crédits photos : Noémie Erin, Christophe Eizaguirre, Joshka Kaufmann)









Sélection parasitaire relâchée & limite au flux de gènes



Pourquoi c’est intéressant : Sous certaines conditions, l’adaptation à des pressions écologiques divergentes peut limiter le flux de gène entre populations et conduire à l’isolation reproductive et la spéciation écologique. Que se passe-t-il quand des individus sont naturellement transférés d’un faible à une forte force de sélection parasitaire ?

Ce que nous avons fait : Au cours de quatre années d’étude de terrains, nous avons mesuré la communauté macro-parasitaire et la génétique de population de deux populations d’épinoches à trois épines pour évaluer l’influence d’une sélection parasitaire divergente sur le flux de gène unilatéral d’une rivière en amont à un lac en aval en Norvège.

Ce que nous avons trouvé : Nous avons décrit pour la première fois une population d’épinoches dépourvues de macro-parasistes et démontré sa résistance réduite aux parasites en utilisant des infections expérimentales au cestode Schistocephalus solidus et au trématode Diplostomum pseudospathaceum. Cette sélection relâchée pourrait expliquer pourquoi les poissons migrants de la rivière ne s’établissent pas dans l’environnement riche en parasite de la population du lac en aval.

Co-auteurs:
Tina Henrich, Irene E. Samonte, Per J. Jakobsen, Martin Kalbe

Publications associées :
Erin et al. (in prep)

(crédits photos : Noémie Erin, Tina Henrich, Martin Kalbe)









Résister mondialement, infecter localement : une histoire d’adaptation locale d’hôte et de parasite



Ce projet est une collaboration transcontinentale avec nos collègues du Bolnick Lab (Université du Texas, Austin).

Pourquoi c’est intéressant : Les parasites ont une distribution spatiale extrêmement hétérogène qui dépend à la fois de déterminants écologiques (taux de rencontre entre hôte et parasite) et évolutifs (susceptibilité de l’hôte façonnée par les dynamiques coévolutives). Quelle est l’importance relative de l’exposition et de la résistance sur la prévalence de S. solidus dans les populations d’épinoche à trois épines : est-ce qu’un faible taux d’infection implique un faible taux d’exposition ou une forte résistance ?

Ce que nous avons fait : Nous avons utilisé des infections expérimentales réciproques d’épinoches à trois épines canadiennes et européennes aves S. solidus pour obtenir des combinaisons locales (coevoluées) et transcontinentales (non-coévoluées).

Ce que nous avons trouvé : 1) Le risque d’infection façonne l’évolution convergente de la résistance à S. solidus, qui est une évolution récente de par la colonisation d’habitats en eau douce. En effet, il y a une corrélation négative entre la susceptibilité de l’hôte et le taux naturel d’infection : alors que les infections par S. solidus sont rares dans les populations marines très susceptibles, elles sont communes dans les épinoches plus résistantes de lac. 2) Nous avons identifié une adaptation locale car plus d’infections surviennent dans les combinaisons hôte-parasite au sein du même continent. Les épinoches de lac ont évoluées une résistance générale à S. solidus (l’hôte résiste mondialement), alors que les souches de S. solidus se sont adaptées pour infecter leur hôte sympatrique local (le parasite infecte localement).

Co-auteurs:
Jesse N. Weber, Martin Kalbe, Kum Chuan Shim, Natalie C. Steinel, Lei Ma, Daniel I. Bolnick

Publications associées :
Weber et al. 2017 The American Naturalist doi:10.1086/689597

(crédits photos : Noémie Erin, copépode infecté reproduit avec la permission de Michael Schwarz)









Adaptation locale optimale entre hôte et parasite



Pourquoi c’est intéressant : S. solidus réalise toute sa croissance dans l’épinoche pendant plusieurs semaines voir mois avant d ‘être transmis trophicalement à son hôte final. Cela implique un dialogue moléculaire affiné entre S. solidus et le système immunitaire de l’hôte pour éluder et manipuler la réponse immunitaire du poisson. Cependant, les mécanismes moléculaires sous-jacents de la résistance de l’hôte et de la virulence du parasite et comment ces stratégies adaptatives peuvent varier d’une populations/d’un génotype à un autre reste à élucider.

Ce que nous avons fait : Deux paires de populations d’hôtes et de parasites subissant différents niveaux de prévalence furent utilisées dans des infections expérimentales réciproques. Nous avons ainsi obtenu quatre combinaisons d’épinoches infectées avec leur S. solidus sympatrique (coévolué) et allopatrique (non-coévolué) et comparé, au cours de trois points dans le temps, la croissance du parasite et l’expression différentielle de huit gènes immunitaires (RT-qPCR) impliqués dans le développement des réponses immunitaires innée et adaptative contre les parasites dans deux organes immunologiques importants (le rein antérieur et la rate).

Ce que nous avons trouvé : Bien que de fortes différences d’exploitation de l’hôte, indiquées par la différence en poids relatif atteint par les parasites (indice parasitaire), aient été trouvées dans les combinaisons allopatriques, les deux combinaisons sympatriques semblent avoir atteint le même optimum de résistance/virulence par des trajectoires évolutives différentes (hôte à forte résistance/parasite à forte virulence, et vice versa). Les profils d’expression de gènes de reconnaissance des antigènes, et des réponses immunitaires Th1 et Th2 montrent des signes d’une éventuelle manipulation du système immunitaire dans les combinaisons coévoluées quand le parasite avait atteint devenait infectieux pour l’hôte suivant.

Co-auteurs:
Irene E. Samonte, Per J. Jakobsen, Martin Kalbe

Publications associées :
Kalbe et al. 2016 Parasites & Vectors doi:10.1186/s13071-016-1419-3
Benesh & Kalbe 2016 Journal of Animal Ecology doi:10.1111/1365-2656.12527
Scharsack et al. 2016 Zoology doi:10.1016/j.zool.2016.05.008
Franke et al. 2014 Fish & Shellfish Immunology doi:10.1016/j.fsi.2013.10.019

(crédits photos : Noémie Erin)









La compétition intra-hôte entre parasites altère la virulence



Pourquoi c’est intéressant : Dans la nature, les infections multiples avec différentes souches et espèces de parasites sont la règle et non l’exception. Étudier les interactions entre parasites au sein des hôtes est donc vital pour vraiment comprendre les interactions et la coévolution entre hôte et parasite.

Ce que nous avons fait : En utilisant des souches de S. solidus qui diffèrent en virulence pour infecter des hôtes épinoches, nous avons mesuré l’expression de la virulence dans des combinaisons homologues (infection double avec des parasites de la même souche/virulence) et hétérologues (infection double avec des parasites de deux souches de virulence différente).

Ce que nous avons trouvé : Il y a une composante génétique et plastique à la virulence puisque le niveau de virulence exprimé dépend à la fois de la souche du parasite (faible vs. forte virulence) et de la souche du concurrent. Ces résultats pourraient s’expliquer par la production de deux types de bien durant l’exploitation de l’hôte : des biens communs (partageables avec n’importe quel concurrent) et des biens spécifiques à la souche (partageables uniquement au sein d’une même souche).

Co-auteurs:
Tina Henrich, Luke Phelps, Martin Kalbe

Publications associées :
Henrich & Erin et al. (in prep)

(crédits photos : Noémie Erin)









Parasites & maintien de la diversité chez le pigeon des villes



Pourquoi c’est intéressant : Injustement haït par les citadins, le pigeon des villes (Columba livia) fait partie intégrante de la faune urbaine moderne. Perçu comme un « rat-volant » vecteur de maladies par le public, il n’y a en réalité qu’une poignée de pathogènes transmis du pigeon à l’homme. Ils sont par exemple un réservoir de la bactérie Chlamydia psittaci (Chlamydiaceae), l’agent d’une infection respiratoire, la psittacose. Bien que seulement quelques cas ne soient déclarés chaque année, l’infection est potentiellement léthale sans traitement antibiotique et il est donc important de connaître les facteurs influençant l’épidémiologie et le risque de transmission de Chlamydia dans l’environnement urbain.

Ce que nous avons fait : Nous avons étudié le lien entre le phénotype de la coloration mélanique de l’hôte, qui chez les oiseaux est contrôlée par un système de gènes pléiotropiques impliqués à la fois dans la coloration et l’immunité, et la prévalence de Chlamydia dans différent habitats urbains (pigeonniers vs. rues) en échantillonnant des pigeons à travers Paris.

Ce que nous avons trouvé : Il y a une différence d’excrétion de Chlamydia entre les différents morphes de pigeons, puisque les pigeons les plus foncés excrètent plus de Chlamydia que les plus pâles. Cela pourrait indiquer une plus grande tolérance aux maladies et un plus grand risque de transmission chez les pigeons de morphes foncés.

Co-auteurs:
Adrien Frantz, Lisa Jacquin, Philippe Lenouvel, Claire Bertin, Fabien Vorimore, Karine Laroucau, Julien Gasparini

Publications associées :
Jacquin et al. 2013 Oecologia doi:10.1007/s00442-013-2663-2
Gasparini et al. 2011 Environmental Microbiology doi:10.1111/j.1462-2920.2011.02575.x

(crédits photos : Noémie Erin)